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Nous étions a la recherche de la mer et des montagnes. Nous étions a la recherche de journées paisibles et de quelques descentes pleines d'aventures. Nous étions a la recherche de contrastes et de sensations hors du commun. Nous les avons trouves en Afrique, plus précisément au Maroc.
L'imposante 4x4 était garée devant l'hôtel Moustafir qui se trouve au centre d'Agadir et elle a attiré l'attention des locaux. Les chauffeurs de taxi, qui auraient dû devenir des pilotes de rallye, ont klaxonné comme des fous, de vieux messieurs qui descendaient la rue sur leurs mobylettes déglinguées nous ont fait de grands sourires.
Henrik Jansson se tenait debout sur le toit en train de charger six grands sacs avec des surfs, planches à voile et des sacs de voyage immenses. Johan se trouvait à l'arrière en train d'essayer de rentrer le reste de notre matériel dans le coffre. Tout devient possible avec la bonne dose de force "brute", dit-il toujours. Et ça marche. Ce qui avait l'air d'être un grand bazar était en fait très ordonné, puisque nous avons tous l'habitude de voyager avec beaucoup de bagages. Une fois de plus l'expérience a joué en notre faveur et six Scandinaves assez pâles ont pu prendre la route avec leur 4x4 en direction des montagnes de l'Atlas. Nous étions tous heureux avec cette palpitation que l'on ressent avant les grands défis.
Ce voyage n'était pas trop bien planifié. Au fait, nous voulions aller sur Tenerife et descendre du volcan Pic de Teide. Mais durant l'hiver dernier, pas une seule goutte d'eau n'avait visité le volcan et il n'y avait pas un seul flocon de neige. Il fallait donc changer de plan.
Du doigt, nous sommes donc allés plus vers l'est sur notre carte et avons accosté sur le continent africain. Dans nos pensées, nous avons vu défiler d'énormes déserts de sable, des savanes à perte de vue, la forêt vierge et des animaux sauvages. Le Maroc se trouve au Nord-Ouest de l'Afrique. Les montagnes de l'Atlas s'étendent de 27° latitude nord dans le sud à 37° latitude dans le nord et forment une sorte de prolongation transméditerranéenne des Alpes. Les deux massifs montagneux datent d'il y a environ 60 millions d'années lorsque le continent africain venait percuter l'Europe. Cela créa d'énormes massifs montagneux. Ce mouvement continue d'ailleurs actuellement et certains scientifiques affirment que les montagnes de l'Atlas atteindront plus de 6.000 mètres avant que le choc des plaques tectoniques ne s'arrête.
Tout ce que nous savions, c'était que les montagnes allaient nous offrir de belles descentes. Malheureusement, les rapports sur l'enneigement étaient très sporadiques. Un mois avant notre arrivée, un de nos amis était au Maroc et nous avait dit que la neige était bonne est abondante. Mais maintenant, quelle allait être la situation ? Depuis que nous avions pris l'avion de Casablanca à Agadir, nous étions assez décontractés. De notre altitude de croisière de 10.000 mètres, nous vîmes les bonnets blancs des pics de l'Atlas. Nos descentes étaient assurées.
Le village Oukameiden est situé au sud-ouest des montagnes, juste à l'endroit où les collines deviennent des hautes montagnes. Lorsque nous sommes arrivés, nous avons vu les sommets éclairés par la lumière de la lune. Nous avons vu les contours noirs de la chaîne montagneuse et le sommet le plus proche, habillé en blanc, était un peu plus rond que les autres pics. Nous savions que c'était là qu'il fallait rider. Le lendemain matin, nous avons pris la jeep en direction de la station. Nous étions partis très tôt afin de pouvoir profiter de chaque rayon de soleil. Celui-ci brillait dans un ciel impeccablement bleu et n'avait pas encore remarqué que le télésiège ne fonctionnait pas.
Nous étions une proie facile pour tout vendeur ambulant. Avant même d'avoir démarré le moteur, les vendeurs qui nous guettaient, des villageois curieux et le garçon du parking avaient entoure la voiture.
Un petit homme en pantalon stretch et veste en cuir délavée s'est avancé vers nous. « Bonjour messieurs vous allez surfer ici ? » nous a-t-il demande dans un très bon anglais. Il était guide de montagne et tout naturellement il voulait nous offrir ses services. Nous étions très réservés, mais avons écouté avec beaucoup d'attention ce qu'il avait à dire sur les montagnes. Il montre un grand rouleau de câble qui se trouve à côté de la station du télésiège. « Ne marche plus depuis 2 ans. Vous devez monter à pied. » Ensuite, il nous demande encore une fois si nous sommes certains de ne pas avoir besoin de son aide. Quel dommage! Nous sommes là un peu ébahis. Nous nous trouvons en Afrique dans une vraie station de ski, mais le seul télésiège n'est plus en service depuis 2 ans faute de réparation. Tout d'un coup nous réalisons que cette semaine sera physiquement plus dure que nous ne l'avions pensé. Mais tant que nos pieds ne nous lâchent pas...
Avant la marche, nous avons décidé de tester notre 4x4. Juste à côté du tracé du télésiège il y a un petit chemin. Il suit le lit d'un petit ruisseau asséché plein de pierres rondes et polies. L'absence d'une végétation florissante nous montre clairement ce que l'érosion de plusieurs milliers d'années peut provoquer dans une région. L'eau de fonte du haut Atlas a lentement mais sûrement trouvé son chemin dans les sédiments. Et en plein milieu de cet environne- ment fort en contrastes, nous sommes assis dans notre 4x4 flambant neuve. De nos yeux nous par- courons la vallée et les pics. Nous sommes à l'affût. Pas pour chasser le grand gibier africain, mais pour trouver les secrets cachés des montagnes. La pente cache beaucoup de creux, rochers et canyons. C'est John qui s'exclame le premier en excitation. Voici ma route ! Il pointe vers le haut de la vallée. Nous avons aperçu l'endroit de tous ses désirs et faisons oui de la tête. Nous marchons le long du sentier et le soleil brûle la terre. Il n'y pas de trace de neige et nous devons faire attention de ne pas écraser de serpents, scorpions ou autres lézards. Tout d'un coup, il y a un bruit dans les buissons et un petit lézard court vers une cachette. Heureusement que nous sommes en hiver et que nous portons tous de grosses chaussures. L'animal qui veut nous mordre doit avoir une mâchoire d'enfer pour nous mordre à travers ces chaussures. Nous reprenons notre souffle le temps de 10 secondes et John continue son chemin après cette pause lézard. Après 45 minutes, nous le voyons comme un petit point à environ 600 mètres au-dessus de nous. Il marche de gauche à droite pour trouver et vérifier sa ligne. Ensuite, il lève les bras pour former un « O ». C'est le signal comme quoi il est prêt. La neige à l'air bien et les cristaux de neige voient dès ses premiers virages. Ça a l'air génial. D'un côté les rochers, de l'autre la végétation et le désert. Harmonie et agressivité combinées. Le canyon se ressert et John ralentit un peu l'allure pour se frayer un chemin. Le surf touche des rochers et des plaques de glace. John contrôle sa vitesse au maximum afin de ne pas s'étaler dans les parois rocheuses et très pointues. Il utilise les transitions naturelles comme une vague un virage en appui talon, et hop !, il disparaît derrière une colline. Le silence est total. Quelques secondes plus tard un cri de joie. « Yeeh! ». Nous avons compris qu'il est satisfait de sa descente. Lorsque nous le retrouvons à la voiture un gros sourire illumine son visage.
C'est ainsi que nous avons passé nos journées au Maroc. Nous prenions le petit-déjeuner au village, mettions notre matériel dans la voiture et nous partions de plus en plus loin dans la vallée. Chaque jour, nous avons effectué deux montées et nous avons trouvé des endroits sublimes avec des descentes époustouflantes - si seulement il y avait eu un peu plus de neige ! Il y a des traces de surfeurs partout sur la montagne. II est clair que ça devait être le pied il y a quelques semaines. Mais il en faut plus pour nous décourager, car avec un peu de chance, nous allons encore tomber sur la poudreuse marocaine légendaire pour laquelle nous sommes venus.
Nous sommes restés à Oukaimeiden un jour de plus juste pour que Johan puisse prendre le canyon que nous avions vu le premier jour. C'est notre dernière chance et nous nous faisons des soucis à cause des nuages formés par l'air chaud en provenance du continent africain. Tous les jours vers 14h00, notre côté de la montagne se couvre de brouillard. C'est pourquoi, nous sommes partis de bonne heure. Seulement voilà, juste aujourd'hui les nuages sont présents à l'appel, dès notre arrivée.
Johan commence seul son ascension. Nous le regardons sans nous soucier le moins du monde. Henrik a des problèmes au talon. C'est une vieille blessure qui s'est réveillée en raison de la fatigue. Donc il reste dans la voiture avec sa nouvelle caméra numérique. Il est de garde pour la radio. Juste au moment attendu, il y a un grincement et Johan nous annonce - un peu hors d'haleine - qu'il a atteint son objectif. Nous le voyons nous faire des signes du haut de la crête. Malheureusement, la radio n'est qu'unidirectionnelle et nous devons donc crier pour nous faire remarquer et lui faire comprendre que nous avons reçu son message. Cinq minutes plus tard, il nous contacte à nouveau. Il a chaussé son surf et il est prêt. Il fait un compte à rebours de trois et se jette dans le canyon. Il est en plein dans nos objectifs. Sauf que nous avons mal calculé la vitesse du son. Nous n'avions pas réalisé à quel point elle était faible par rapport à la distance. Lorsque nous entendons trois, il s'élance déjà. Le premier passage est large et Johan fait de longs virages bien contrôlés. Le son nous atteint toujours quelques secondes après la lumière. Nous avons donc l'impression de nous trouver dans un film mal synchronisé. Le son de l'acier qui gratte une surface dure arrive jusqu'à nous avec un long écho dans toute la vallée. La neige à l'air vraiment très dure, mais nous entendons également des cris de joie. Johan est extrêmement content. Le canyon se rétrécit rapidement et nous ne le voyons plus que pendant les virages en appui avant. Il disparaît pour les virages en appui talon. Johan atteint une longue langue de neige entourée de pierres, cactus et d'autres arbustes. Il s'arrête et regarde vers le haut du canyon. C'était la dernière descente et visiblement la plus spectaculaire. Comme nous nous y attendions, Johan sourit lorsqu'il rejoint la voiture 30 minutes plus tard. En même temps qu'il arrive, les nuages prennent possession du canyon qui disparaît définitivement de notre vue.
Devant les portes de l'abattoir d'Agadir, il y a un groupe de jeunes de notre âge qui traîne dans les rues. Avant même que nous ayons pu prendre la décision de rentrer ou non, il nous ont vu et nous entourent comme un groupe de vautours qui tourne autour de sa proie. Mais il ne faut pas oublier que cela fait plus d'une semaine que nous sommes habitués à ce genre de scènes. Nous maîtrisons parfaitement la situation. Johan sourit et s'adresse en suédois au gars le plus agressif du groupe « Nej vi vill inte ha en guides - Non nous n'avons pas besoin de guide. On regarde, c'est tout. »
Mais les explications en suédois n'impressionnent pas du tout le gars. Le seul moyen de le faire partir, c'est d'utiliser la langue des signes. Le majeur quoi. Après une multitude d'injures - que nous ne voulons pas répéter ici - il nous tourne finalement le dos à la recherche d'une autre victime. Réussir à se débarrasser de vendeurs collants et ne pas acheter - des choses que l'on ne voulait de toute manière pas acheter fait simplement partie de la vie de touriste au Maroc. Mais n'oubliez jamais le sourire. A l'intérieur de l'abattoir il y a une myriade de petits vendeurs. Nous traversons la partie où ils vendent les fruits et les légumes. Un stand avec des oranges bien juteuses se trouve juste à côté d'un stand avec des herbes fraîches. L'odeur de ces mélanges d'herbes, vendus par livre nous fait tout de suite penser au compte des « Mille et une nuits ». Henrik ne peut résister et achète un petit sachet avec plusieurs types de noix. L'homme est assis à sa table avec un long bâton terminé par une sorte de petite pelle. Henrik y met l'argent et reçoit son sachet.
Nous continuons notre ballade à travers les petits stands et après quelques instants, nous sommes dans le rayon des appareils électroniques. Chaque stand offre des Rolex de provenance douteuse. Certaines sont de si mauvaises contrefaçons qu'il est difficile de prétendre avoir été trompé. Johan pense à sa propre Rolex qu'il a laissée à Chamonix. Johan avait décidé d'acheter un tapis. Nous avons donc passé les prochaines trente minutes avec des vendeurs très enthousiastes. Johan montre du doigt le tapis qu'il veut acheter et le vendeur lui montre tous ses tapis plus grands et plus chers. Johan dit non de la tête et montre encore une fois le tapis qu'il veut. Il lui dit : « Écoutez monsieur, je veux ce tapis et aucun autre ». Après quelques minutes et d'autres essais infructueux, le vendeur se résigne et lui montre le tapis désiré. Ce n'est que maintenant que le vrai « sport » commence. Johan avait décidé de ne pas payer plus de 150 Dirhams. Le vendeur commence avec cinq fois ce prix. Johan, têtu comme il est, répète toujours : « Non monsieur, non. Unique- ment 150 Dirhams et pas un de plus. » Avant de conclure le marché, Johan fait mine de sortir quatre ou cinq fois des abattoirs, le vendeur vient le rechercher à chaque fois et continue ses pourparlers. Pour conclure cette affaire, plus d'une heure s'écoule. Le vendeur lui dit simplement que c'est comme ça qu'on fait des affaires au Maroc. En tout cas, la tactique de Johan s'est avérée fructueuse.
Le lendemain matin, nous arrivons à l'aéroport avec encore plus de bagages qu'au départ. Les sacs sont lourds, mais nos esprits surfent encore dans les montages de l'Atlas. Ce fut un voyage riche en contrastes. Nous avons rencontré beaucoup de personnes très chaleureuses. Nous nous sommes imbibés du bourdonnement des villes d'Agadir et de Marrakech. Nous avons respiré la tranquillité des montagnes. Nos langues ont goûté des herbes dont nous n'imaginions même pas l'existence. Nous avons fait de la planche à voile, joué au golf et fait du surf des neiges. Le tout en une semaine seulement. Le tout en Afrique.
Texte et photos : Philippe Rebreyend Skieurs: Doc R & Professor A
C'est une montagne étrange, isolée, lunaire. Deuxième 4 000 mètres marocain, le Mgoun se gravit et se descend à ski, tout au long de l'hiver. Son massif gigantesque se traverse, en de nombreuses étapes, vallées, arêtes ; en de nombreuses pentes. Skier le Mgoun procure un sentiment particulier de découverte et de paix, d'étonnement et de beauté. Une expérience inoubliable, une piste loin des pistes, pour vivre le ski autrement.
Hôtel Ali, coeur de Marrakech. J'aime ce lieu, parce qu'il est annonciateur d'aventures dans le Haut-Atlas, mais aussi pour ce qu'il est. A cheval sur deux rues, pas de portes, on traverse son grand couloir central aussi facilement qu'un courant d'air. L'organisation du personnel est complexe, on ne sait pas vraiment, dans l'importante population qui habite le hall d'entrée, qui fait quoi. Mais là, précisément il y a tou- jours solution à un problème, réponse à une interrogation. Que ce soit pour trouver un guide, s'informer sur les conditions de neige ou plus simplement garder des bagages, garer sa voiture, on entendra toujours la même chose : "oui oui, c'est possible, il faut voir avec lui là-bas", ou "l'ancien là."
Comme sur la plupart des bâtiments, on trouve sur le toit de l'hôtel Ali, une terrasse. Celle-ci est bien car elle donne sur Djemaa el-Fna, La place de Marrakech. Djemaa el-Fna, c'est un grand bestiaire, un grand souk, une grande foire, que sais- je encore, un beau bazar. Singes et serpents s'arrachent la photo aux touristes, les presseurs d'oranges rivalisent d'ingéniosité avec les marchands de brochettes pour capturer le client, et les diseuses de bonne aventure disputent le spec- tacle aux acrobates. C'est beaucoup de bruit et pas mal de couleurs... bref, de la terrasse où nous sirotons un thé à la menthe, la vue n'a rien d'ennuyeuse.
Pour ce trip marocain, deux professionnels m'accompagnent. Professionnels du ski en quelque sorte. Doc R & Professor A, c'est le genre d'individus que l'on voit se pointer quand - tout va mal sur piste ou hors-piste. Tous deux sont médecins urgentistes à l'hôpital de Moûtiers. Ils partagent leur temps entre l'hélico du SAF et le CHU. Cet hiver, ils ont à peu près tout vu, tous les crash imaginables. Et pour changer d'air, rien de mieux que de changer de continent.
Nous partons pour le Mgoun; le deuxième 4 000 du Maroc, moins proche de Marrakech que le Toubkal, moins connu également. Mais le Mgoun n'est pas uniquement un simple sommet, c'est surtout un massif, très vaste, dans lequel il est possible de naviguer pendant plus d'une semaine. Ce ne sera certainement pas possible cette année, il n'a pas neigé depuis janvier et nous sommes fin février. Mais nous devrions trouver des bonnes conditions de ski de printemps, nous nous contentons du sommet comme objectif.
Nous prenons la route. D'abord, nous longeons le Haut-Atlas par le nord jusqu'à Azilal, grande cité aride sans caractère ; puis nous traçons vers la longue chaîne montagneuse et ses blancs sommets prometteurs. A partir d'Ait Mohamed, nous entrons dans un territoire mystérieux. De longues et profondes vallées de pierres ocres, parsemées de rivières, de cultures, de pommiers en fleurs. Les villages aux habitations de terre semblent sortir d'un autre âge. Chez leurs habitants règne une grande paix, une grande harmonie avec les éléments. La piste serpente à flanc de montagne, déroule de col en col jusqu'aux hauts massifs encore lointains que nous voyons apparaître parfois : le Rat et le Tignousti d'abord, l'imposante dorsale du Mgoun ensuite avec sa multitude de sommets et ses pentes nord bien blanches.
La plupart des skieurs et randonneurs partent pour le Mgoun depuis Tabannt (le bout de la piste). Nous avons choisi un départ plus précoce depuis Agouti, magnifique petit village dont les habitations se confondent avec la roche et dont les jardins et vergers parfaitement entretenus avancent sur le plateau en direction du Mgoun. Nous trouvons à Agouti, une belle et grande auberge (la seule possibilité de logement du village, on ne peut pas se tromper) où nous sommes, comme souvent au Maroc, généreusement accueillis. Pour se remettre de la longue journée de caisse, un savoureux tajine mouton n'est pas de trop, nous l'engloutissons avec une délectation d'autant plus grande que l'on ne sait pas vraiment de quoi demain sera fait. Les distances paraissent plutôt dilatées dans ce massif et on n'a pas le sentiment de se trouver au pied d'un 4 000. Certainement, il va falloir trotter. En attendant, on organise la petite expé. On trouve une mule mule pour soulager le dos. Mohamed, un gars de l'auberge, se propose de venir avec nous. Fort honnêtement, il nous dit qu'il n'est pas guide, mais qu'il connaît bien le chemin, et surtout qu'il aime le ski ! Nous l'embauchons. Puis nous attaquons les sacs. Là, deux écoles séparent Doc R du Professor A, le premier c'est plutôt le genre de gars à partir en collant avec un Granny dans le sac, l'autre c'est l'artillerie lourde, le départ à l'allemande avec tout, vraiment tout dans le sac, de la boîte à outils en passant par une pharmacie hospitalière, de quoi parer à toutes les éventualités, car ne l'oublions pas nous entrons dans un territoire inconnu... Entre ces deux extrêmes, un compromis est trouvé, un compromis qui pencherait plutôt du côté de Doc, autrement dit, nous partons légers.
A l'aube, la mule nous attend devant l'auberge avec Mohamed et un gamin du village qui redescendra avec la bête quand celle-ci ne pourra plus passer. Nous chargeons le matériel. Mohamed a pris les skis, de superbes Jean-Marc Boivin avec des SX 91 équipe. "Je ne sais pas encore tourner, dit-il, mais j'aime bien descendre..." Finalement, le Professor aurait peut-être mieux fait d'emporter la pharmacie. Nous quittons le village quand arrivent les premiers rayons du soleil. Commence alors notre longue marche au coeur de paysages magnifiques, un long plateau d'abord, parsemé de plantations, puis la vallée d'une rivière que nous remontons quelques heures avant d'arriver sur un second pla- teau assez vert, peuplé de bergers. Apparaît alors une première cime blanche, l'Aghouri. La mule nous accompagne une petite heure encore et renonce finalement au pied d'un grand pierrier partiellement enneigé. Elle redescend avec son jeune maître. Nous hissons les sacs sur le dos, chaussons les chaussures de ski et continuons l'ascension d'un pas lent. Le manteau neigeux s'épaissit, mais nous continuons skis au dos, car la pente se redresse sérieusement et la consistance de la neige n'est pas des meilleures pour une progression avec les peaux. Cet Aghouri est quand même une bavante, et c'est déjà bien secs que nous atteignons l'arête. Toute la longue chaîne du Mgoun, avec sa multitude de sommets, s'offre alors à notre regard. En bas, une grande plaine lunaire s'étale devant nous : la Tilibit-n-Tarkaddiyt. En son milieu, nous apercevons le refuge abandonne dans lequel nous allons bivouaquer.
Au refuge, un autre groupe de Français vient d'arriver. Eux suivent un itinéraire moins direct, plus long. De fait, leur expé c'est la grosse logistique avec mules, porteurs, cuisinier, guides... Avec nos sacs de 40 litres sur le dos, nous faisons un peu : misérables. Une misère qui va se confirmer à l'heure du repas. Dehors, une tempête de neige balaye la plaine. Les bourrasques traversent le refuge sans fenêtre ni porte. Nous nous engouffrons dans les sacs de couchage, assis à même la pierre, nous faisons l'inventaire des victuailles. D'ores et déjà nous pouvons conclure : nous avons été un peu sévères avec nous-mêmes. Du côté de l'autre groupe, un fumet irrésistible se dégage des casseroles. Nous nous apprêtons à mendier, quand, généreusement, le cuistot nous tend un bol de soupe, épargnant par ce geste notre dignité. De toute façon, cette nuit ne sera pas une nuit, nous ne dormirons pas. Pour lutter contre le froid, les porteurs berbères s'installent en cercle, emmitouflés sous des couvertures et allument un feu à même le sol. La fumée ne s'évacue pas et au bout 'de quelques minutes, tous les habitants du refuge sont gazés tels des blaireaux dans un terrier. Pour parfaire l'ambiance, le comité local sort les tam-tams et chacun y va de sa chansonnette, jusqu'à minuit.
Pour nous, le réveil sonne à deux heures du matin. L'extraction des duvets n'est pas des plus heureuses. Mohamed préfère continuer sa nuit et nous nous retrouvons à trois sous une belle nuit étoilée pour grimper le Mgoun. Dans ce massif, de jour ou de nuit, les distances sont trompeuses. Il nous faut deux heures pour arriver au pied de la face, une face qui nous semblait si proche hier, depuis l'Aghouri. Nous engageons l'ascension skis au dos. Passé un certain stade de déclivité, nous sortons les crampons et grimpons ainsi jusqu'à l'arête sommitale du Mgoun, que nous atteignons avec les premiers rayons du soleil. Nous cheminons une bonne heure encore sur ce vaste dôme jusqu'à atteindre notre sommet. Les faces sud du Mgoun sont plutôt dégarnies, mais les faces nord par lesquelles nous envisageons de descendre sont bien enneigées jusqu'en bas. Le fond de la Tilibit-n-Tarkaddiyt, fraîchement poudré, prend juste le soleil. Le refuge est un minuscule point, quelques 1 000 mètres plus bas. Ce paysage a quelque chose d'irréel, d'extra-terrestre. A plusieurs dizaines de kilomètres derrière, la crête de l'Aghouri déroule de vastes plaines désertiques ; au loin Agouti et le couscous que nous avons commandé pour notre retour...
Au sud, les grandes étendues arides et sableuses de Ouarzazat. Nous savourons cette vision exotique, pendant une petite heure, avant d'engager la descente. Ce qui laisse le temps à la surface de transformer un peu. Les premières courbes que nous avalons sont un peu déconcertantes, c'est encore bien dur, les vaguelettes modelées par le vent provoquent pas mal de vibrations. Mais le cadre de cette descente est tellement unique : se hier soir, pendant la tempête, on aurait pu se croire dans les Alpes, aujourd'hui, on a bien le sentiment d'être en Afrique, de skier au milieu des déserts. Une centaine de mètres plus bas, la neige se fait déjà plus tendre, ce qui permet des appuis plus sûrs et autorise une plus grande vitesse. Nous descendons dans un large cirque parfaitement incurvé. Au centre, la pente est plutôt raide et demande un minimum de concentration. Mais à mesure que nous descendons, la neige se transforme pour atteindre enfin une consistance idéale. La dernière session n'est ni plus ni moins qu'un excellent exercice de ski de printemps. Légèrement grisés par ces 1 000 mètres engloutis, nous jouons encore un peu sur des langues de neige résiduelles. Il faut choisir celle qui avance le plus, se laisser glisser lentement et savourer les belles images du sommet, sans trop penser au couscous final à Agouti. Le village est encore si loin de nous...
D'autres itinéraires permettent la traversée du massif, dans sa largeur, ou en longeant grande arête dorsale du Mgoun. Ces traversées demandent une importante organisation préalable et une bonne connaissance du terrain, à défaut de quoi sera nécessaire de faire appel à un guide (professionnel). Il faut également un minimum de préparation physique car les distances sont longues, les dénivelées importantes et les étapes multiples. La beauté des paysages traversés et la qualité des neiges skiées compenseront tous les efforts.
L'itinéraire traverse le Haut-Atlas et la chaîne du Mqoun, des palmeraies du Dadds aux plateaux du Dadla. Il faut compter de sept à neuf jours pour par- courir les quelques 230 km et une dénivelée cumulée de 6 000 m. Le départ se fait de Skoura, l'itinéraire passe par les spectaculaires balcons des Tifardiyn (3 550 m), franchit le Mqoun par son sommet (4068 m), puis l'Aghouri (3 575 m), L'Igoudamen (3 519 m), traverse le Val Bouwgmmaz, le sommet du Wawgoulzat (3 763 m), descend sur le lac de l'Izourar, passe par le sommet de l'Azurki (3 650 m) et finit par une longue descente sur Ait Mohamed.
Cet itinéraire franchit également la chaîne du Haut-Atlas entre Igherm-n-Ougdal et , lac de l'Izourar, mais il offre une vision différente du massif et s'attarde plus longtemps sur la grande dorsale du Mgoun qu'il traverse entièrement dans sa longueur. L'itinéraire demande de 9 à 11 Jours, il totalise une distance de 180 km et :an dénivelé cumulé de 6 500 m.
Il part de Igherm-n-Ougdal, franchit lnqhamar par son sommet (3 609 m), puis le Tazoult-n-Oubahal (3 447 m), il attaque les sommets du Mgoun, passe par le oint culminant (4 068 m), traverse le Wangoulzat-Tagafayt (3 650 m) et finit les berges de l'zourar.
Il existe une série de cartes au 1/100 000 (165 F) éditées par les autorités marocaines en collaboration avec l'IGN. Ces cartes sont disponibles dans les librairies spécialisées des grandes villes marocaines (dont Marrakech), ou en France à l'espace IGN (107 rue de la Boétie, 75 008 Paris, tél. 0142 56 06 68).
Il existe également, une série de relevés de terrain assez détaillés ë: au 1/100 000 :
On peut se procurer ces cartes en contactant la Direction de la conservation foncière et des travaux topographiques, Division de la carte (31 av. Moulay al Hassan, Rabat, tél. 705 311, fax 705 191).
On trouve quelques cartes à l'HôtelAli de Marrakech (square de Foucauld).
Les 100 plus belles randonnées, le Maroc. Bernard Domenech. Denoël. Ouvrage riche en informations malheureusement introuvable sinon en bibliothèque.
Le Haut-Atlas. André Fougerolles. Glénat. Description très précise des itinéraires, par l'un des plus grands connaisseurs de la montagne marocaine.
Le Haut-Atlas central. André Fouqerolles. Guide Alpin. Ouvrage très complet sur la région du Mgoun, hélas introuvable, peut-être dans des bibliothèques spécialisées.
Randonnées pédestres dans le massif du Mgoun. Edisud. Des infos intéressantes, même pour les skieurs.
Cultures, Natures, Voyages, (agence), 19 rue Oum Rabia Imm. Nakhil, Marrakech, tél. 439 866, fax 439 873.
E-mail : natvges@iam.net.ma
Accompagnateurs de montagne diplômés. Demander Id Balaïd Mohamed (adresse perso : Douar Armed - Imlil BP 30 Poste Asni par Marrakech).
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